Manga révisionistes.

Vous pouvez y parler de tout
Avatar du membre
LeFlan
Hannibal posteur
Messages : 477
Enregistré le : mer. 14 déc. 2005, 9:51
Localisation : la planète shadok

Vision, révision

Message par LeFlan »

jbastide a écrit :Il y a bien sûr la série d'article de Philippe Pons dans le Monde Diplomatique, qui a lancé le sujet en France
Pour mieux saisir les enjeux de cette question, de manière à la fois plus précise et circonstanciée sur le cours des événements récents, et ouverte à une perspective plus large en termes de sujet couvert, on lira avec profit le travail d'Arnaud NANTA, publié sous le label d' "État des lieux (Histoire)", et sous l'intitulé "L'actualité du révisionnisme historique au Japon", en quatre volets parus en 2001 et 2002 dans les n°26 à 29 de la revue d'études japonaises EBISU qu'édite à Tôkyô la Maison Franco-Japonaise (http://www.mfj.gr.jp/index.html).
Attention cependant, c'est un sujet à manier avec des pincettes. Les manga de Kobayashi - malgré leur succès public semble-t-il important au Japon - me paraissent tout de même représenter un cas à part dans la bande dessinée japonaise. Et nous connaissons la fâcheuse tendance française à faire des généralités à partir d'un cas particulier, surtout dès qu'il s'agit du Japon, ce pays bizarre...
Que le sujet soit délicat cela paraît évident. C'est précisément pourquoi il importe d'être clair, et non pas seulement "impressioniste", y compris au sujet de tendances généralisatrices.
En l'occurrence, la spécicifité la plus évidente de la bande dessinée de Kobayashi (et Nanta l'évoque bien dans ses papiers), c'est la modalité première de la production même de son travail : conçu en collaboration étroite avec l'équipe rédactionnelle du périodique publiant dans ses pages sa fameuse série, et dans un objectif consistant d'abord à se faire l'écho de la manière la plus directe possible des propos (pour le moins polémiques, et souvent pires) tenus par les journalistes dans l'ensemble de cette publication.
Autrement (et plus simplement) dit, il s'agit là d'une bande dessinée d'ordre non narratif, mais de pure propagande ultra-populiste à tendance milicienne avérée, avec auto-mise en scène systématique de l'auteur prenant à parti lecteurs comme adversaires, et se livrant en permanence à des actes rhétoriques et martelés d'accusation, de diffamation voire de délation (qu'ils soient fondés ou non peu importe, l'essentiel étant d'asséner l'impact maximal vis-à-vis de n'importe quel lecteur, qu'il soit partisan ou opposant)... Ainsi par exemple, il a pu arriver que soient publiées dans ladite BD, entre autres attaques verbales et intimidations, le nom comme les coordonnées personnelles de tel acteur décisif (inconnu du public et a priori réticent) du débat institutionnel concernant l'agréement du fameux manuel scolaire révisionniste, en incitant ses lecteurs à lui "transmettre leur point de vue" de manière adéquate...
Bref: ce qui fait avant tout de "Gômanizumu..." un titre à part, c'est sa nature même de propagande affichée d'emblée, instrumentalisant ouvertement le cadre formel de la bande dessinée à ses fins propres d'endoctrinement idéologique et de manipulation des faits.
Il m'arrive régulièrement de rencontrer des bibliothécaires et des professionnels du livre pour leur parler de manga, et à grâce au Monde Diplo, la question du révisionnisme ne manque jamais d'arriver sur le tapis. Ce qui n'aide pas vraiment à défendre la bande dessinée japonaise...
Pour autant, il semble difficile (et srutout tout sauf souhaitable) d'imaginer passer sous silence un mouvement de fond aussi important de l'histoire contemporaine japonaise qu'est cette tendance révisionniste et négationniste. Si Kobayashi peut apparaître "à part" dans le paysage BD pour les raisons explicitées ci-dessus, il s'inscrit surtout dans un mouvement beaucoup plus large et plus profond à l'intérieur de cette société toute entière aujourd'hui, et allant du projet de révision constitutionnelle jusqu'aux rapports avec la voisine Corée du nord.
Dans les registres formels destinés au plus large public, ce phénomène de réécriture fantasmée de l'histoire se manifeste aussi bien dans des bandes dessinées narratives (dont participent aussi, manifestement, divers travaux d'un Kawaguchi, tout comme un dessinateur tel Motomiya Hiroshi avec son "Kuni ga moeru"...) que par exemple au cinéma, où après "Pride", un plaidoyer plutôt douteux en faveur du général Tôjô Hideki (principal criminel de guerre du procès de Tôkyô), il y a quelques années, c'est une vaste mélo-tragédie sur-lacrymale qui est assénée aujourd'hui au public japonais à travers la grosse production "Otoko-tachi no Yamato", une espèce de sous-"Pearl Harbour" local aux relents nationalistes criants.
Tout cela pour dire qu'est en jeu dans ce débat un mouvement réel et d'envergure du Japon contemporain, et qui excède de très loin l'entendement ou la défense du seul objet "bande dessinée".
Image
"Car l'amitié est la science des hommes libres."

Avatar du membre
pollux
Chien de garde
Messages : 2007
Enregistré le : mar. 27 avr. 2004, 13:42

Re: Vision, révision

Message par pollux »

LeFlan, ne serait ce que pour me [nous?] avoir permi de lire tes commentaires sur cette question, je te remerci de ton retour.
c'est moi Pollux, toujours cabot mais pas chien de luxe ... ... ... ... *((((((''o

Répondre