J'ai pu découvrir cette semaine le très attendu Amer Béton et même serrer la paluche au réalisateur ce matin.
Le film m'a beaucoup plu. Il fait un peu moins de deux heures, et on sent peut-être un léger patinage vers les 3/4 du film au niveau rythme (ce qui en aura gêné plus certains que d'autres, moi, je n'en ai pas souffert). Mais ces deux heures sont quand même moins pénible que pour Gedo Senki pourtant d'une durée équivalente. Comme il a déjà été dit, au niveau technique, c'est magnifique, 3D sublimement intégrée et intelligemment utilisée, décors superbes et c'est joli quand ça bouge.
Comme il a été précisé quelques pages auparavant également, l'adaptation est très fidèle même si quelques intrigues ont été simplifiées voire occultées (comme le développement du flic frigide Sawada) ou certaines scènes plus développées (les rêves de Shiro, la scène finale). Pour les dialogues, on retrouve également quasiment à la virgule près, dans de nombreux cas, les textes tirés des bulles du manga. Je n'avais qu'un très vague souvenir du manga (à l'époque de la première édition chez Tonkam, je n'étais pas assez ouvert pour m'intéresser à ce titre, donc je n'avais lu que quelques pages à l'occasion), et j'ai pu ainsi voir le film d'un oeil assez neuf sans être trop vampirisé par l'oeuvre de Matsumoto (ce qui ne fut pas le cas de Tsuka par exemple), je conseillerai donc de relire le manga après avoir vu le film... ^^ (C'est ce que j'ai fait pour ma part en m'achetant dans la foulée une intégrale en japonais réédité à l'occasion par Big Spirits Comics Special chez Shôgakukan)
Les persos principaux sont fidèles au design originaux de Matsumoto, les persos secondaires ont plus la touche de Nishimi, entre autres character design du film (et ayant déjà officié sur Mind Game, et on a l'occasion de s'en souvenir durant le film), mais heureusement les deux styles graphiques arrivent à se marier pour trouver un juste milieu. Le changement le plus caractéristique se trouve dans l'atmosphère dégagée par la ville, onirique, destructurée chez Matsumoto (et évidemment en noir et blanc) contre une vision plus réaliste dans le film d'Arias, on ressent mieux la géographie, on se repère presque dans l'espace dans le film. D'autant plus que certains décors s'appuient sur des rues très familières pour ceux qui vivent au Japon (je pense notamment à la rue commerçante d'Asakusa qui débouche sur un temple tout aussi connu, très reconnaissable).
Le personnage de Shiro aussi est mieux cadré dès le départ dans le film, la voix aidant bien sûr beaucoup à établir le caractère enfantin du personnage, ce que j'ai eu plus de mal à ressentir dans les premières pages du manga.
J'ai eu l'impression à la première vision que le film était assez relié à Mind Game, de par son staff, et peut-être par l'influence qu'il eut sur le réalisateur. On a eu l'occasion de lui poser la question ce matin, et si c'est un grand admirateur de ce film, l'influence (consciente du moins) ne va pas au delà du clin d'oeil légèrement dissimulé dans le film, destiné aux "maniaques de l'animation" selon ses mots (ça va, se faire traiter de maniaque par Arias, ça passe ^^ ).
Pour le reste de cette interview, Tsuka vous prépare quelque chose aux petits oignons, mais chut, je n'ai rien dit pour l'instant. L'interview qu'a faite Anton devrait être bien intéressante également. Arias est quelqu'un de très jeune (à peine plus de 35 ans selon mes calculs (s'il avait 19 ans quand il a travaillé sur Abyss en 1989, logiquement...),assez petit (rien à voir avec la carrure surprenante d'un Kon), et agréablement sympathique et bavard. Un peu trop sympathique peut-être, ce qui fait que j'ai pu avoir l'impression de parler avec quelqu'un du forum, relativement familièrement alors qu'on a pas gardé les vaches ensemble ^^; .
Pour en revenir à Mind Game, si Amer Béton doit être comparé avec ce film, il est clair qu'Amer Béton est plus lisible et accessible que son époustouflant prédécesseur, mais le film d'Arias ne manquera pas d'effaroucher, malgré tout, ceux qui ne sont pas habitué à ce style et paumera sans doutes des gens. S'il est plus accessible que Mind Game, il est également moins époustouflant, plus sage que le film de Yuasa. Pourtant dans Amer Béton, ce ne sont pas les scènes oniriques qui manquent ou autres occasions d'avoir un petit décrochage graphique ou stylistique pour se donner quelques secondes de liberté artistique.
En tout cas pour une première réalisation, malgré les doutes qu'il a du éprouver, on imagine, et une grande fidélité au manga, ce qui pourrait donner la (fausse ? ) impression qu'il n'a pas pris de risques sur ce film, je trouve qu'il a méchamment assuré, si vous me passez l'expression.
Un point intéressant qu'Arias expliquait lui-même il y a quelques jours sur un forum américain, c'est que le premier scénario a été écrit en anglais à partir d'une version traduite en anglais et en français (donc l'édition Tonkam) du manga, l'équipe trouvant à l'époque la traduction française assez subtile. Le tout fut ensuite retraduit vers le japonais en occasionant d'inévitables problèmes de traduction.
Enfin, je voudrais terminer avec un mot sur les sous-titres. Ceux-ci cherchent à être plus explicatif à donner une cohérence à un texte qui pourrait paraitre mystérieux à un public occidental. Si ce point de vue peut se défendre, néanmoins le procédé ne se justifie pas toujours quand les interprétations sont un poil libre. Par exemple le "anshin, anshin" de Shiro (tranquille / rassure-toi /Peace / sécurité) est systématiquement traduit par "Soyons heureux", ou encore un "je te protègerai, je te sauverai" qui se transforme en "je ne t'abandonnerai jamais" et ce n'était pas forcément dû à la contrainte propre au sous-titrage. Donc des sous-titres qui s'éloignent un peu, souvent interprétatifs, mais qui ne trahissent pas pour autant l'âme du film.
Voilà pour ces premières impression pour ma part très positives, je n'ai pas été déçu, et j'ai trouvé le film beaucoup plus solide que nombre de ses grands prétendants ces derniers temps, même s'il jette moins la poudre aux yeux qu'un Paprika dans un premier temps, par exemple.
@+
Chron
[Edit PS:]Et en plus, à l'hôtel où s'est déroulé l'interview, Place des Vosges, on a pris le café à côté de Stéphane Eischer. (Et je n'ai pas fait de jeux de mots déplorable sur "Déjeuner en Paix" même si certain(e)s ont été plus faibles et ont lamentablement craqué.

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