Voila un petit article interessant, j'éspère qu'il n'a pas été déja évoqué dans les parages.
Morris, Franquin et Peyo avant la case
Alain Lorfèvre
Mis en ligne le 24/11/2005
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Les trois futurs géants de «Spirou» débutèrent
dans le dessin animé. Le fait, connu, n'avait jamais été étudié en profondeur. Un livre passionnant détaille cette aventure et analyse l'influence déterminante qu'elle eut sur leur oeuvre.
Tout le monde connaît aujourd'hui les noms de Morris, Franquin et Peyo. Chacun a fait rêver des milliers d'enfants et d'adolescents (et même des adultes) depuis un demi-siècle. Leurs héros ont connu les honneurs du cinéma et du petit écran. Mais on oublie souvent que ces trois auteurs à l'imagination fertile débutèrent ensemble vers l'âge de vingt ans, au crépuscule de la Seconde Guerre mondiale, au sein du tout premier studio belge de dessin animé, la Compagnie belge d'actualité (CBA). Quelle fut la nature exacte de cette expérience? Quels dessins animés ont-ils réalisés précisément? Ceux-ci ont-ils ou non influencé leur travail ultérieur dans la bande dessinée? Ces questions furent rarement traitées dans le détail à ce jour.
Incontournable
Philippe Capart, lui-même réalisateur de films d'animation et déjà auteur d'un documentaire sur le studio Belvision, et Erwin Dejasse, historien de l'art, se sont livrés quatre ans durant à une longue et minutieuse enquête, fouillant dans les archives familiales des intéressés, rencontrant leurs proches, relisant des dizaines (des centaines?) d'extraits de presse de ces années-là.
Le fruit en est un livre passionnant, «Morris, Franquin, Peyo et le dessin animé» (publié par les Editions de l'An 2 qui s'attachent depuis quelques années à un patient travail de mémoire sur le Neuvième art). Richement illustrée et - fait encore trop rare dans le domaine de la bande dessinée - rigoureusement référencée, cette somme incontournable pour tout qui s'intéresse au patrimoine de la BD franco-belge raconte d'abord un rêve incroyable, celui de Paul Nagant. Cet héritier de la grosse bourgeoisie industrielle liégeoise crée la Compagnie belge d'actualité (CBA) en 1937. Son but est initialement d'alimenter les cinémas avec des bandes d'actualités locales. Mais la guerre et le contrôle de l'information par l'occupant amènent Nagant à s'orienter vers la fiction et, plus précisément, vers le court métrage d'animation. Le hic, c'est qu'à l'époque, en Belgique, on est vierge de toute expérience en la matière.
Les auteurs du livre s'attardent alors sur cette étrange entreprise qui consiste à refaire sur les bords de la Meuse ce que Disney et d'autres font déjà depuis près de vingt ans outre-Atlantique. On croise Albert Fromenteau, illustrateur qui devient le premier animateur belge. Puis Edouard (Eddy) Paape et Jacques Eggermont qui, sous le pseudo commun de Jackeddy, réaliseront à leur tour quelques courts métrages à partir de 1943. Les aléas de la guerre amènent Nagant à déménager son studio à Bruxelles. Sur insistance de ses deux animateurs, il engage de nouveaux collaborateurs. Agé de 21 ans, un certain Maurice De Bevere (Morris) se présente. Grand admirateur d'Hergé, il a découvert dès dix ans le dessin animé, qui le passionne. Paape, de son côté, déniche à l'institut Saint-Luc de Saint-Gilles, où il a étudié, un autre talent prometteur, André Franquin. Pierre Culliford (Peyo) entre à la CBA comme gouacheur. Le destin vient de réunir trois des futurs grands noms de l'hebdomadaire «Spirou».
La force de «Morris, Franquin, Peyo et le dessin animé», outre de détailler ce pan d'histoire souvent résumé à quelques lignes dans les anthologies de la bande dessinée, est aussi de reproduire quantité de dessins de ces années-là (et même quelques films de la CBA sur un DVD accompagnant le livre: quelle belle idée!).
Cette iconographie permet d'apprécier comment, petit à petit, s'est forgé le style des futurs auteurs de Lucky Luke, de Gaston et des Schtroumpfs. Comment, aussi, après avoir intégré les codes de la narration image par image, les trois dessinateurs sauront se réinventer et réinventer leur langage pour trouver cette quintessence de la bande dessinée qui fera le succès et la popularité de leurs personnages. Le sens du mouvement de Franquin, la multiplication des Schtroumpfs comme autant de décompositions d'un même personnage animé ou la codification à l'extrême des attitudes de Lucky Luke résultent, à des degrés divers, de ces années de formation.
Évolution
Tout l'intérêt, en confrontant ce double parcours, est aussi de révéler les différences subtiles entre dessin animé et bande dessinée. Poursuivant, témoignages et exemples illustrés à l'appui, leur chronique du trio, Capart et Dejasse ne négligent pas de revenir sur les adaptations en dessin animé des oeuvres respectives de Morris, Franquin et Peyo. Et de montrer combien elles purent être frustrantes pour ces derniers. Connaissant pourtant parfaitement le métier, ils furent le plus souvent dépossédés de leurs créations dès lors qu'elles quittaient les planches par la volonté d'éditeurs déjà soucieux de «produits dérivés».
En filigrane, c'est à nouveau toute l'étendue et la richesse du talent de ces trois créateurs modestes qui ressortent de cette étude exemplaire. Mais, abordée sous un angle inédit, elle invite aussi à une relecture de leur oeuvre. Des cadeaux comme ça, on en redemande!
«Morris, Franquin, Peyo et le dessin animé», Philippe Capart et Erwin Dejasse, Éditions de l'An 2, 135 pp. ill., env. 32 €.
n'est pas sans préfigurer le chat «dingue» de Gaston ou le Poussy de Peyo. Le film complet est visible
sur un DVD accompagnant le livre.
© La Libre Belgique 2005
[Livre] Morris, Franquin et Peyo avant la case
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