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FOCUS ON
Interview Satoshi Kon
    Interview du réalisateur de Paprika

[ Catégorie : Special | Ajouté le 18-10-2006 | Maj : 18-10-2006 ]


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Introduction
Voici une interview de Satoshi Kon réalisée lors de sa venue à Paris le 12 Octobre 2006 dans le cadre de la promotion de son nouveau film "Paprika" (sortie française le 6 décembre 2006).

Cette entrevue a été réalisée en partenariat avec Catsuka et le site Cinemasie.com, représenté par Anton Guzman (voir l'interview sur leur site).

Certaines questions ont été élaborées à partir de suggestions d'internautes de Catsuka.com, suite à une petite opération internet lancée quelques jours avant la rencontre avec le réalisateur (cf ancienne news).

A noter que compte tenu de la courte durée de l'interview (30min), toutes les questions envisagées (internautes y compris) n'ont pu être posées.



Interview




Emmanuel Pettini : Dans Paprika, il y a un duo de barman. Vous donnez votre voix à l’un d’entre eux, l’autre a la voix de Tsutsui Yasutaka, l’auteur original de Paprika. Comment s’est passé votre première expérience dans le doublage ? La relation des deux barman est-elle similaire à celle que vous avez eu avec M.Tsutsui ?

Satoshi Kon : Ces deux barman, même dans le monde de Paprika, occupent une place assez particulière, pour ne pas dire étrange. Et pour le casting, j’ai pensé que ce serait pas mal de faire quelque chose d’un peu amusant et de m’attribuer ce rôle. Dès lors, qui pouvait me donner la réplique sinon l’auteur de l’histoire originale, M. Tsutsui ? Nous lui avons donc fait part d’une requête en ce sens, persuadés qu’il refuserait, et en fait il a accepté cette proposition avec plaisir.
C’est effectivement la première fois que je m’essayais à l’expérience du doublage et si je dois vous dire mon sentiment dessus, ce serait : « J’aurais été mieux inspiré de m’abstenir ». C’est un souvenir plus qu’embarassant. Quand j’entends ma voix en salle, je me dis toujours qu’il aurait mieux valu éviter ça, j’en ai des sueurs froides à tous les coups.
Pour ce qui est de ma relation avec M.Tsutsui, je dois vous dire que de manière unilatérale, je suis fan depuis très longtemps. Dans ma jeunesse, et tout particulièrement autour de la vingtaine, j’ai lu beaucoup de ses livres. Et plus tard, quand j’ai commencé à écrire mes histoires, je pense que son influence a été très importante pour moi. Donc, nous n’avons pas une relation amicale, ce n’est pas un ami proche, c’est surtout un auteur que je respecte beaucoup.

Anh-Hoa Truong : Comme vous le disiez, cela faisait un moment que vous rêviez d’adapter une œuvre de Monsieur Tsutsui. Et c’est lui, de lui-même, qui est venu vers vous. Que pensez-vous de cette belle coïncidence ? [1]

Satoshi Kon : Oui, tout à fait. En fait, ce n’est pas n’importe quelle oeuvre de M.Tsutsui que je voulais adapter. C’est quand j’ai eu terminé la réalisation de Perfect Blue que j’ai eu envie de m’attaquer à Paprika. Quand l’auteur m’a dit qu’il n’envisageait personne d’autre que moi pour une telle adaptation, j’y ai vu un signe du destin. C’est l’interprétation que j’ai décidé de faire d’une telle coïncidence.
Dans mon film, Tôkyô Godfathers, les héros sont tous guidés par une série de coïncidences extraordinaires. Et pendant que je réalisais une œuvre où le hasard fait si bien les choses, je ne pouvais pas ignorer les coïncidences qui m’arrivaient personnellement. Fermer les yeux sur ces événements dus au hasard aurait été une honte pour moi en tant que réalisateur. C’est pourquoi je me suis dit qu’il fallait que je saisisse absolument la chance au passage.

Anton Guzman : En parlant de M.Tsutsui, cet écrivain a fait l’objet d’un certain discours critique au Japon, en raison même de la teneur de ses romans, est-ce que le contenu satirique des œuvres de cet écrivain vous a attiré vers lui ?

Satoshi Kon : Effectivement, ce contenu satirique est intéressant. Et nombre de ces œuvres sont portées par un propos virulent. Et au-delà même de Paprika, je trouve passionnante l’attitude de cet auteur qui s’infiltre au plus profond des méandres de l’esprit humain. Pour citer quelques exemples d’autres de ses œuvres qui traitent des rêves, il y a Yume no kizaka bunkiten (1987, Prix Tanizaki Jun.ichirô, Ndt) qui est un récit magnifique, ou encore la série qui met en scène une jeune fille avec des pouvoirs télépathiques (Nanase Hida de la trilogie Nanase) sont des œuvres qui sont extrêment intéressantes dans leur description de l’intériorité psychologique humaine.
Autrement dit, c’est cette manière de pénétrer l’intériorité de l’esprit humain, loin des « descriptions psychologiques » traditionnelles dans le registre du roman, et parfois même très brutale, qui me plaît le plus dans ses récits.


Anh-Hoa Truong : Pour rester sur ce thème, je voudrais parler d’une thématique qui revient souvent dans l’œuvre de M.Kon, celui du souvenir ou de la mémoire. Il peut être teinté de regret ou de nostalgie un peu obsessionnelle dans Millenium Actress ou lié à l’enfance dans Paprika. Qu’est-ce qui vous intéresse tant dans cette thématique ?

Satoshi Kon : Oui... La mémoire, les souvenirs, ou même les rêves appartiennent à la même catégorie d’artefacts, je trouve. Autrement dit, si l’on veut faire une opposition, on a la réalité d’un côté, à laquelle s’oppose le rêve, le souvenir voire même les chimères (ndt : le môsô du titre japonais de Paranoia Agent). Ils sont sur un « calque », une « couche » différente de notre réalité et peuvent se superposer dessus. C’est une idée que tout le monde trouve séduisante.
Pour un rêve, cette image est extrêmement souple, beaucoup plus souple que n’importe quelle image de la réalité et peut se transformer sans soucis. Les souvenirs aussi sont souples, ce ne sont pas des choses fixées une fois pour toutes. Ils peuvent évoluer avec le temps ou selon d’autres circonstances, un souvenir qui était triste à l’époque peut se changer en toute autre chose. Les faits restent des faits, mais soumis à une subjectivité humaine, ils peuvent se transformer. Et c’est ce processus d’évolution des souvenirs qui est intéressant.

Emmanuel Pettini : On parlait du duo de barman dans Paprika. Dans plusieurs de vos œuvres, il y a des duos (les deux flics de Paranoia Agent, les reporters de Millenium Actress). Il y en a un qui rentre dans l’histoire et l’autre au contraire qui distancie souvent au moyen de l’humour. On dirait un couple de manzai, de comiques japonais, avec le boké à fond dans son histoire, et le tsukkomi, le vanneur sarcastique. Vous sentez-vous plus proche du boké ou du tsukkomi ? Souhaitez-vous maintenir l’illusion narrative ou au contraire plutôt la briser et faire prendre de la distance au spectateur ?

Satoshi Kon : Ah, c’est un point intéressant. On m’a rarement fait la remarque, c’est une question amusante. C’est exactement dans cet esprit que je crée mes dialogues. En posant deux personnages assez différents dans leurs caractères, on arrive à créer une discussion amusante, comme dans le manzai, les caractères diffèrent et permettent de créer un décalage. C’est là que peut résider, selon moi, un dialogue amusant. En ce qui concerne de quel côté je me situe, je ne sais pas si en français les notions de boké et de tsukkomi existent mais évidemment ces deux personnages sont nés à partir de mon imagination. Donc les deux personnages sont assez proches de moi, il y a des fois où j’ai envie de continuer dans mon délire et d’autres fois où j’ai envie de prendre de la distance avec plus de sang-froid. Mais en tout cas, à chaque fois que j’ai l’occasion de travailler sur une scène de dialogue entre ces personnages, j’y prends toujours beaucoup de plaisir.



Anton Guzman : Je vous avais demandé lors d’une précédente interview le budget de Millenium Actress, soit 1,2 millions de dollars et 2,4 millions de dollars pour Tôkyô Godfathers. Combien avez-vous eu cette fois-ci ?

Satoshi Kon : Pour Paprika... Est-ce qu’on peut dire combien on a eu ? (s’adresse à un responsable au fond de la salle)
(la personne, en rigolant, embarrassé) : Sur ce point, je crois que l’on va s’abstenir...

Satoshi Kon : Je dirais simplement que nous avons eu à peu près le même budget que celui de Tôkyô Godfathers, pour ce qui est du montant exact, je dirais : No comment.

Anton Guzman : Toujours du même ordre, combien de temps a duré la production de Paprika ? Plus ou moins que vos précédents films ?

Satoshi Kon : Hum... Ce devait être le même temps, mais la production a duré plus longtemps que les autres films. La production s’est allongé plus que je ne l’avais imaginé et même prévu. La principale raison tient à la manière dont je voulais exprimer les rêves. Dans mes autres films, je m’étais concentré sur la description des faits réalistes qui se passent en ville, dans la chambre de quelqu’un, etc. Je n’avais pas eu l’occasion de faire des scènes évoquant des phénomènes extraordinaires ou de m’attaquer à des images surréalistes. Et pour faire sortir de telles images, j’ai du puiser énormément dans mes forces. Ce film est peut-être celui qui m’a le plus épuisé de toute ma carrière.

Anton Guzman : Avez-vous pu inclure dans le film tout ce que vous comptiez mettre au point de départ ? [2]

Satoshi Kon : À vrai dire, et particulièrement sur ce film, je n’étais pas dans cette optique là. Je n’avais pas un « catalogue » d’idées à réaliser dès le départ. Bien sûr nous avons écrit le scénario en premier et construit ce projet du début à la fin, mais en ce qui concerne la réalisation concrète des phases de rêves notamment, il y a de nombreux éléments qui ont beaucoup changé depuis le scénario de base. Quand je dessine le e-konte, le story-board si vous voulez, tant que je ne suis pas arrivé à une certaine scène, je ne sais pas encore comment je vais la dessiner. Je ne dessine pas ce que j’avais prévu dès le départ, mais je mets ce qui, au moment où je dessine la scène, m’apparaît le plus intéressant. Cela peut être ce que j’ai trouvé le plus marrant ce jour-là ou ce qui m’est venu à l’esprit. Et tant que je n’ai pas dessiné les images d’une scène, je n’arrive pas à trouver les images de la scène suivante. Tout s’enchaîne, je vais dessiner telle scène parceque j’ai dessiné telle image juste avant. Cela marche beaucoup par associations donc. Si l’on devait faire une comparaison pour ce projet, ce n’est pas comme si j’avais un planning très strict avec une direction définie à prendre, comme si on avait plus qu’à percer un tunnel qui va tout droit.

Pour ce film, je ne pouvais que creuser la terre qui se trouvait devant moi et me dire « Et si j’allais à gauche ? Et maintenant si j’allais à droite ? Et si je creusais par là pour voir, il y aura peut-être une idée intéressante ? ». J’ai procédé ainsi et donc je ne pouvais pas savoir à l’avance où est-ce que j’allais déboucher. En fait, avant d’être arrivé au bout du tunnel et qu’il soit entièrement creusé, je ne pouvais pas savoir quelle longueur il aurait, ni quelle forme il prendrait. Et pour pouvoir creuser mon tunnel et sortir tant d’images chaque jour, j’ai passablement épuisé mes forces à la tâche, je me suis creusé la cervelle au maximum.

Emmanuel Pettini : Dans vos films, les héroines regardent ce que les fans disent d’elles sur le Net, vous tenez un site et y avait publié des notes de production regroupé maintenant en un livre : Kon’s Tone. Quel est votre rapport au net ? Internet est-il le nouveau rêve de demain ?

Satoshi Kon : Oui, on peut voir cela comme ça. Il peut représenter le rêve de demain... ou son cauchemar.

Tous : Mr. Kon, merci beaucoup !

[1] D'après une question de "Fuse", internaute.

[2] D'après une question de "Cyoran", internaute.

Traduction : Emmanuel Pettini.
Merci à Ilan Nguyen pour ses nombreux conseils et son aide.
Merci à Tsuka pour son soutien logistique et également à Michel Burstein ainsi qu’à toute l’équipe de l’agence Bossa Nova.




Medias




En attendant ma review, voici quelques éléments concernant "Paprika".

Teaser japonais : Streaming [Real][WMP]

Trailer japonais : Streaming WMP [100k][300k]

Poster français :



Images du film :










© 2006 Sony Pictures Releasing International





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