Bonjour,
Merci de votre (vos) réponse(s).
Quelques remarques en retard pour réaction, en réduisant autant que possible les citations à l'essentiel des points à aborder...
romaincarlioz a écrit :Je passerai néanmoins sur ma prétendue apologie de ce que vous appelez le "label qualité France". Je pense m'être expliquer là-dessus et avoir bien précisé qu'il ne s'agit en aucun cas de m'inscrire dans cette tendance. [...] Il ne s'agit cependant pas de tomber dans l'excès inverse. Je comprends bien votre ressentiment, mais à trop fustiger une certaine tendance de l'animation française on finit par s'aveugler autant que ceux que l'on dénonce.
Je ne crois pas souffrir d'un tel syndrôme ; le problème sur ce point tient d'abord à l'écart astronomique, invraisemblable entre discours et réalités de la production française. C'est une situation largement assez grave et caricaturale pour inciter, en tant que posture de principe et par défaut, à la plus grande méfiance, à une prudence élémentaire, et à un scepticisme a priori à l'égard de tout discours de tendance "triomphaliste". Il y a suffisamment de contre-exemples dont on nous rebat les oreilles pour nous avoir guéri de ce "cocorico" strictement déplacé.
Maintenant, il est clair que si une majorité écrasante de la production française célèbre le culte d'une médiocrité béate, et persuadée de sa grandeur, cela ne sort guère des normes de ce fameux principe général qui veut que "90% de n'importe quoi ne vaut rien". Cela n'induit en rien un rejet total de l'objet en cause : simplement il faut savoir faire le tri ; or, les parallèles induits par les deux duos de titres mis en exergue pour des qualités contraires, ne permet pas au lecteur d'opérer un tel tri, pour peu qu'il connaisse un tant soit peu le seul titre qu'est "Ôban".
Tel était le sens de ma remarque, à savoir que "les tendances que je dénonce" me semblent encore largement sous-dénoncées, par rapport à l'ampleur des faits et de l'envergure écrasante que couvre cette médiocrité ambiante dans le domaine de la production télévisée française de dessin animé.
romaincarlioz a écrit :[...] l'inévitable question du parrallèle et de sa justesse. Effectivement, toute forme d'association exige un minimum d'honnêteté intellectuelle et d'exigence formelle. Comparaison n'est pas raison, comme dirait l'autre, mais comme toute figure de style, elle souligne délicatement un argument, met en valeur un effet de structure ou de rime.
Certes. Sur le principe, nous sommes bien d'accord.
Dans la forme, et dans ce cas précis, ce qui motive les remarques formulées précédemment, c'est qu'aussi louables soient vos intentions, le parallèle affirmé là n'atteint pas le but recherché, si ce n'est dans un sens négatif qui fait fi d'une réalité des faits plus complexe et disjointe entre les titres rapprochés, et ne parvient donc qu'à une réduction de sens ne pouvant être perçue que d'une manière erronnée. J'y reviens ci-dessous.
romaincarlioz a écrit :En l'occurence, mon propos était ici de souligner l'émergence d'une inspiration manga ou japanim' dans l'animation française (mais je me trompe peut-être) ; tendance qui, selon moi, méritait encore d'être améliorée, n'en étant qu'à ses balbutiements.
Certes. Mais si telle était votre intention, alors il paraît difficile d'ignorer les précédents que représentent, dans une même "tendance" (en suivant votre raisonnement), des titres tels "Totally Spies", "Code Lyoko" ou même "Martin Mystère"... Les véritables balbutiements sont là, c'est-à-dire en amont, et pour peu qu'on veuille affirmer une telle émergence (ce qui me paraît tout à fait légititime, soit dit en passant), il faut pouvoir rendre justice, une fois de plus, à cette élémentaire réalité des faits, faute de quoi tout étiquetage n'est au mieux que réduction commode, et au pire manipulation des faits.
romaincarlioz a écrit :Il est toujours encombrant de vouloir ranger dans des cases telle ou telle production. On prend parfois le risque de dénaturer le style d'un auteur.
Ce risque existe, c'est exact. Mais uniquement si l'on choisit de mêler dans son propos et son écriture des éléments relevant de niveaux (d'étages même, pourrait-on dire à la Saint-Exupéry) différents.
Il y a la subjectivité plus ou moins assumée de celui qui écrit. Et il y a la réalité des faits. Et entre ces deux domaines, tout effort d'écriture devrait tendre à faire en sorte que toute subjectivité de jugement (puisque c'est bien de cela qu'il ressort, dès lors qu'on se place en position d' "être sujet") se soumette de façon première, systématique à la réalité des faits. Concilier ces deux sphères semble ainsi une exigence fondamentale de toute écriture éthiquement défendable.
romaincarlioz a écrit :Prenons par exemple un sujet que je connais bien : la "Nouvelle vague hongkongaise" (Tsui Hark, Ann Hui, Patrick Tam, etc.). Qu'est-ce, sinon un evague appellation calquée sur son lointain modèle français ? Quels cinéastes sont plus différents que Tsui Hark et Patick Tam ? Pourtant dans le contexte économique des années 80 et au vu du parcours de ces deux personnalités (issues de la télévision hongkongaise), on ne peut que souscrire à un tel regroupement.
En l'occurrence, vous n'expliquez pas en quoi, et pour quelles raisons impérieuses "on ne peut que souscrire à un tel jugement". Mais passons.
Ce qui est en jeu ici, plus que le problème de la formule, c'est celui de l'étiquette. Celle qu'on colle à un créateur, une oeuvre ou un parcours. Et des limites de sa validité, ou de ce qu'elle peut avoir de pratique, en regard de ce qu'elle induit de réduction de sens, de simplification le cas échéant outrancière, et de malentendu.
Car il me semble évident que toute étiquette repose sur ces deux aspects complémentaires : rien ne se perd, rien ne se crée. Et très clairement, l'argument de l'étiquette tient à sa brièveté, avec les conséquences que l'on sait en termes de compréhension foncière, d'entendement sur le fond des choses.
Il s'agit donc d'un gagné pour un perdu, et où l'on estime gagner davantage que l'on ne perd, dans un calcul toujours orienté selon des priorités données, dont il faut bien reconnaître qu'elles n'ont qque trop rarement quelque chose à voir avec une compréhension de fond des sujets ainsi couverts.
Il me semble tout aussi important de souligner également qu'une telle figure de style, dans ce qu'elle condense comme dans ce qu'elle perd, peut être jaugée objectivement, à l'un comme l'autre de ces égards, par tout lecteur a priori.
romaincarlioz a écrit :Oban et Shuriken sont des séries radicalement opposées, comme je l'ai dit dans mes précédents posts, tant du point de vue du récit que de leurs sources. Tout comme Boat People et Butterfly murders. Pourtant, il relève encore une fois de cette tendance émergente et je les accole de la même façon que j'accolerais les oeuvres hongkongaises pré-citées. Sans manquer ni à une exigence de fond, ni à une exigence morale.
Soit. Mais alors c'est ce choix d'un rapprochement, d'une mise en commun, d'un alignement opéré d'un regard extérieur, qu'il faut rendre rhétoriquement acceptable, en tant qu'effort préalable de celui qui construit précisément un tel ordre de compréhension. Or, pardonnez-moi, mais il n'est guère possible de lire des rapprochements formulés de manière aussi expéditive que les vôtres dans ce cas-ci (au point de vue "vitesse d'exécution", tout comme d'ailleurs l'affirmation d'une distance entre les deux duos de titres) autrement que comme un raccourci bien pratique pour celui qui l'affirme, bien plus que comme la proposition d'une connaissance ou d'une compréhension fidèles à la réalité, d'un regard neuf sur le réel, "dans ses contradictions et dans son âpreté".
romaincarlioz a écrit :Sans manquer ni à une exigence de fond, ni à une exigence morale. Parce que j'en suis profondément convaincu et que j'éspère que de cette tendance naîtront des chef-d'oeuvres.
Peut-être bien. Mais à supposer même que ce soit le cas, la question reste entière de savoir ce qu'apporterait un tel rapprochement à la compréhension de ces éventuels chef-d'oeuvre.
Je ne suis pas sûr d'être assez clair, mais pour le dire autrement, traiter par exemple Miyazaki de "Walt Disney nippon", aussi justifiable une telle formulation puisse-t-elle être par ailleurs (et il est possible d'en débattre à de très nombreux égards) me semble difficile à fonder par l'espoir ou l'attente d'oeuvres de qualité chez ce cinéaste, dignes d'illustrer une telle image. Le problème n'est pas là, je crois, mais bien ailleurs.
Quant à savoir si manquement ou non il y a à une exigence de fond,ou à une exigence morale, le problème là aussi reste entier, à chaque occurrence, à chaque étiquette apposée, à chaque raccourci de sens ainsi affirmé. Je ne crois pas sain d'affirmer qu'il soit possible de se livrer à de tels rapprochements dans un respect automatique, comme allant de soi, de telles considérations éthiques.
Ayant perdu le reste du texte qu'il me faudrait citer, j'arrête là pour ce soir. J'espère pouvoir reprendre la suite et la fin de votre commentaire très vite, et finirai sur une dernière mise au point élémentaire.
Contrairement à une majorité d'intervenants de ce forum, je ne situe mon propos ni dans une admiration béate de cette série, ni dans une approche ou une logique du "j'aime/j'aime pas", étage qui m'a toujours semblé d'une stérilité sans nom dans tout effort d'échange et de réflexion critique, fondée nécessairement sur un effort de distanciation envers les objets qu'on a choisis.
Je ne prétendrais donc pas qu' "Ôban" soit la série du siècle, ne même forcément de la décennie ; et les indications que je me suis permises à votre égard touchent toutes à des questions de fond du travail d'écriture, et de la manière de se positionner vis-à-vis de son objet, bien plus qu'à des considérations d'ordre strictement qualitatifs quant à cette production précise.
Pour reprendre le propos développé ci-dessus, de la nécessité permanente d'un effort de conciliation, et de soumission de sa "subjectivité" à la réalité complexe et souvent résistante des faits, je considère personnellement que, quels que soient les goûts et les couleurs (étage, je le rappelle, auquel je n'ai jamais prétendu situer ce débat, pas plus qu'aucun autre à ce jour), il y a des aspects et éléments factuels caractéristiques en très grnad nombre qui distingent cette série de toutes les autres productions françaises des quinze dernières années, toutes tendances confondues. C'est pourquoi le recours à des étiquettes trop rapides pour être utiles me semble poser un problème foncier.
Je reviendrai dans notre prochain épisode sur cette dernière notion, mais pour en donner un avant-goût en un mot : quelle que soit l'échelle, le degré, le niveau d'écriture auquel on se situe (de l'accroche en une phrase à la thèse en quinze volumes, en passant par l'article, le résumé oui l'aperçu, il est un devoir essentiel de tout acte d'écriture, qui consiste à "être utile". De manière constante, comme orientation directrice de l'action même d'écrire (pour autnat que l'on vise à écrire en direction d'autrui du moins).
Or c'est sur ce plan que tel passage de votre article pouvait difficilement apparaître irréprochable, hélas, et d'assez loin. Mais vous vous en êtes déjà expliqué par ailleurs.
Désolé pour ce nouveau laïus sans fin, et pour ceux qui sont encore là, à très vite pour la suite !
