J'ai donc écrit:
Ben oui, voilà je te confirme que passer la barre des 500 000 entrés c'est faire un score honorable et que les producteurs touchent une prime au succès de la part du CNC à partir de ce nombre d'entrées, mais avec un film aussi atypique que Lascars, les enjeux étaient tout autres.
Tout d'abord il y a eu beaucoup plus de pub et d'affichage faits que pour la plupart des autres films de ce "rang" économique. Donc un coût supplémentaire supporté par le producteur parce qu'il espère que ça va cartonner. Donc un plus gros risque économique.
Mais au delà de ça, toute la profession (et je parle du cinéma en général et pas juste de l'animation) observe ce qui se passe avec ce film qui ne rentre pas dans les cases pré-établies. Si le film avait fait 1 million d'entrées ou plus, alors ils se seraient tous dit "ouais mortel un nouveau créneau, c'est ça que le public veut voir aujourd'hui" et ils se seraient tous lancés dans des projets d'anim 2D et/ou 3D pour ados/adultes plus ou moins trash avec plus ou moins de bonheur et avec plus ou moins d'argent. Et dans tous ces projets y'en auraient 1 ou 2 de viables, intéressants et avec un vrai potentiel économique. Et les investisseurs auraient sans sourciller investi de belles sommes dans ces projets, comme ils l'ont fait sur le Chat du Rabbin après le succès de Persépolis par exemple. Eh ben là nan. Ils vont garder leurs sous et ils les mettront sur le prochain truc qui ressemblera à un machin qui a cartonné, en se disant que ouais là ya des chances que ça remarche aussi et qu'ils gagnent de l'argent.
Gersende, journaliste spécialisé plein de fougue a répondu:
Un peu simpliste -ou disons réducteur- comme discours, d'une part car il ne faut pas mettre tous les producteurs dans le même panier (certains indépendants ont le sens de la prise de risque, ou du moins l'envie d'explorer de nouvelles pistes) et d'autre part parce que le Chat du Rabbin, pour reprendre l'exemple que tu cites, ne marche pas sur les plates-bandes d'un Lascars. L'animation n'est qu'une technique employée pour raconter une histoire, et non une finalité ou un genre à part que les investisseurs fuiraient parce que certains titres connaissent des échecs. Il suffit de rappeler les bides de Renaissance, Kaena ou les Enfants de la Pluie, et constater les projets auréolés de succès qui ont quand même réussi à voir le jour (au premier rang desquels Persepolis) pour comprendre que les choses ne sont pas aussi simples que tu veux le prétendre.
Après, il est évident qu'il vaudrait mieux, pour la bonne santé de l'animation française, que les échecs ne se multiplient pas...
Apparemment mon discours n'est pas assez simpliste, puisque tu n'as pas compris ce que j'ai écrit et que tu mélanges des éléments qui n'ont rien à voir. Je ne prétends rien du tout, je décris le fonctionnement d'un système dans lequel je travaille: "Le Cinéma Français".
Je vais donc essayer d'être plus clair:
En France ce ne sont pas les "producteurs" qui mettent de l'argent sur la table pour faire les films, mais les chaînes de télé, privées et publiques, ainsi que divers organismes d'État.
Donc il y aura toujours plein de producteurs qui lanceront plein de projets mais une infime quantité seulement verra le jour car sera financée (par les télés et l'Etat). Et sur cette infime nombre de films financés, seuls quelques uns auront un financement important, permettant (si le talent et le professionnalisme sont au rendez-vous) de faire un putain de film qui a de la gueule et qui fait dire aux journalistes de belles formules qui font rêver, type "L'animation Francaise s'aligne avec les standards Américains".
Ce ne sont pas les producteurs qui décident de quel film va se faire et combien d'argent il aura, mais des financiers, qui travaillent, entre autres, pour de grands groupes de communication.
Ces gens cherchent à minimiser le risque financier, et ils vont investir des sommes importantes (pas juste 2-3 millions d'euros) dans des projets qui leur semblent viables et sur lesquels ils pensent gagner de l'argent. Ils ne le font pas pour la beauté du geste ou parce que leur sensibilité artistique les pousse à contribuer à ce qui sera, à coup sûr, le prochain chef d'œuvre du 7e Art, mais pour essayer de rafler la mise et dans la foulée offrir du contenu à leurs chaînes à 20h45...
C'est pourquoi, dans cette logique mercantile, on voit fleurir aux States depuis plus d'une dizaine d'années, après les sequels, prequels et spin-of, des adaptations de séries télévisées à succès ou de jouets comme Starsky et Hutch, Transformers ou G.I Joe.
En France on a droit à Astérix ou encore Lucky Luke, qui sont des "licences" fructueuses qui sont déclinées sous toutes les formes possibles et imaginables.
C'est Kirikou qui a cassé ce moule (ou en a créé un nouveau) pour l'animation, en proposant un film qui ne correspondait en rien aux codes établis. C'est son succès qui a permis à des films comme Renaissance ou Persépolis d'exister et d'être correctement financés.
Kirikou a été fait avec 3 francs six sous avec de grandes difficultés. S'il n'avait pas marché, les autres films atypiques, dont certains que tu cites, se seraient
tous faits avec des budgets de merde et continueraient d'être intégralement fabriqués dans de merveilleuses contrées comme la Corée du Nord par exemple...
Donc aucun autre film européen, américain ou japonais ne "marche sur les plate-bandes" de Lascars, on a raté une opportunité unique de créer un "nouveau moule".
Je te remercie de me rappeler que l'animation est un médium et non un genre, en attendant le genre ado/adulte trash va continuer de manger son pain noir pendant quelques années, surtout si "La nuit des enfants rois" ne rencontre pas le succès escompté.
A bon entendeur...
Bac +2, les enfants... c'est ça la puissance intellectuelle !