Klaim a écrit :donc en gros ça serait vraiment impossible?
Ou alors faudrait que ce soit le décors lui même le protagoniste?
La mention d'un bouquin de Georges PEREC en regard de ces interrogations paraît tout à fait pertinente, tant ce genre de défi vient naturellement s'incrire dans la droite ligne de son oeuvre romanesque comme des expérimentations de l'OULIPO (voir en particulier du côté de R. QUENEAU). C'est typiquement le genre d'idées où le choix d'une contrainte formelle (livre lisible à partir de n'importe laquelle de ses parties, roman écrit tout entier à la deuxième personne du singulier, etc.) va déterminer l'ensemble du processus d'écriture.
Dans un registre plus bédéistique, et en parallèle avec la citation du nom de MOORE, le souvenir de certains travaux d'Andréas, et la vérification qui s'en est suivie, ont ramené au jour l'album "Raffington Event - détective", où c'est plutôt l'exercice de style inverse qui a cours durant (presque) tout un des récits brefs ( le n°VIII, en cinq pages seulement, en l'occurrence) composant cet ensemble : tout ce qu'on voit à l'image est le personnage principal, ses diverses mimiques et expressions en gros plan, accompagnées du texte de ses cogitations et déductions face à une situation imprévue (seule la dernière image dévoile un cadre plus englobant).
Beaucoup moins original, mais toujours inscrit dans la même perspective de contrainte formelle : dans le même album, un récit (le premier) se présente sous forme de BD d'enquête policière entièrement muette.
Par ailleurs, dans une veine plus "classique", certaines séries de super-héros américains jouent parfois de cet effet du "héros absent" totalement (ou presque, là aussi) ; un épisode de ce genre doit pouvoir se retrouver par exemple dans le titre régulier de "Daredevil", du temps de Frank MILLER et/ou de John ROMITA Jr. (soit il y a bien longtemps). Evidemment, dans un tel cas de figure, c'est le concept sériel même, et la familiarité du lecteur pour le héros-titre concerné, qui rendent possible un tel effet d'intensité par une évocation en creux...
Sur le fond du sujet, une approche "documentariste" permettrait certainement de mettre en forme un récit digne de ce nom : c'est ainsi que procèdent certains très grands films d'animation, comme "le Fleuve aux grandes eaux" de Frédéric BACK, pour ne citer que lui.
Et que dire d'un "essai poétique" du genre du "Conte des contes" de NORSTEIN, qui mêle lui aussi toutes sortes de personnages en un récit complexe, stratifié et d'où ne se dégage que difficilement un protagoniste principal (le petit loup gris, à la limite, mais vraiment par défaut) ?
Bref : ce qui est possible en animation, doit bien pouvoir être explorable d'une manière ou d'une autre sous forme séquentielle, non ?
Enfin, et bien plus simplement, une BD dont le récit se déroulerait entièrement sous la forme graphique d'une vue subjective, ne remplirait-elle pas elle aussi les conditions envisagées ?